« Le prix de nos mensonges » : ma réponse à François Ruffin


Monsieur le Député,

Vous avez pris la peine de me lire, et de m’écrire, et je vous en remercie sincèrement. Je déplore souvent le manque de sérieux du débat politique et suis heureux de l’opportunité que vous m’offrez de débattre avec vous sur le fond.

Je regrette ceci étant dit que vous ayez cru devoir m’accuser de mentir, dans un livre que j’ai pourtant pensé comme un manifeste pour la vérité. J’essaie, dans ma vie publique, au Havre ou ailleurs, de dire à mes concitoyens comme à mes contradicteurs ce que je pense vrai, ce que je pense juste et ce que je pense bon pour notre pays, même lorsque cela n’est pas populaire, et même s’il s’agit de dire que je ne sais pas lorsque je ne sais pas.

Je ne dirai pas, moi, que vous mentez. D’abord, je pense que le débat public se consume de ces anathèmes. Ensuite parce que je ne le pense pas. Vous ne mentez pas. Comme souvent, votre texte a du coffre, des tripes. Vous êtes sincère, cela se voit et, même, cela se sait.

Mais cette sincérité ne justifie pas, qu’une fois encore, comme trop souvent dans notre histoire, vous proposiez d’emmener le pays et nos compatriotes dans l’impasse, en les trompant à la fois sur le diagnostic et sur les solutions.

Vous ressassez ad nauseam les vieilles lunes d’une lutte des classes éculée et du mythe d’un enfer néolibéral français…. Enfer néolibéral français ? Avec le record mondial de prélèvements obligatoires ? Avec le record européen de déficit public? Avec une durée du travail dans la semaine, dans l’année et tout au long de la vie, inférieure à celle de tous nos voisins européens? Avec un modèle social très protecteur, que je veux préserver, figurez vous, mais en disant que cela suppose de regarder en face le fait que nous devenons, et c’est bien le problème, un pays de plus en plus pauvre, et que nous ne produisons plus assez pour le financer.

Je crois vos intentions pures et je crois à votre sincérité. Mais je ne vous suis pas, pas du tout, pour considérer que les jours heureux reviendront par moins de travail, plus de dépense publique et plus d’impôts.

C’est ce qu’a fait la gauche à chaque fois qu’elle arrive au pouvoir – son ennemi est la finance et elle veut changer la vie – avec le succès qu’on connaît, en finissant à chaque fois par mener, après avoir affaibli le pays, une politique de l’offre qui ne dit pas son nom, trop tardive et pas assez assumée pour rattraper l’appauvrissement général qui l’a précédée.

La « compétitivité » et la « concurrence » vous horrifient, mais bon sang regardez le monde ! Il ne nous attend pas… À force de laisser notre école s’effondrer, nos impôts s’accumuler, notre productivité s’étioler, nous avons perdu l’un après l’autre les avantages technologiques et éducatifs que nous avions, et notre industrie, que nous aimons tous deux, est menacée de disparition…

Dans ces conditions, Monsieur le Député, je vous dis, moi, et c’est ce qui nous sépare, que les jours heureux reviendront par plus d’effort, plus de travail, plus d’innovation, plus de liberté.

Vous pointez les mots qui manquent dans mon livre : je vous renvoie à vos propres silences. Vous savez très bien que nous ne nous en sortirons pas sans effort collectif. Vous savez même, parce que vous êtes élu de Picardie, qui est une terre attachée à l’industrie et au travail, que les Francais y sont prêts, à condition qu’on redonne du sens à leurs efforts et de la justice dans la façon dont ces efforts sont répartis.

Prétendre que taxer les riches suffira est certes confortable, et je sais que c’est une habitude dans votre famille politique, rejointe en cela par le RN, mais c’est tout simplement faux.

Prétendre qu’il suffira, après voir taxé les riches, de fermer les frontières aux marchandises est tout aussi facile et tout aussi faux. Oui, il faudra remettre des frontières, des protections, rendre coup pour coup à ceux qui ne jouent plus selon les règles (et ils sont nombreux !) tout en cherchant à les sauver quand on le peut, ces règles. Votre haine de la mondialisation qui vous rapproche, malgré vous, du Président des Etats-Unis, vous conduira aux mêmes impasses que lui. Avoir une approche stratégique du commerce mondial, protéger nos secteurs de souveraineté, décarboner notre économie, n’exclut pas de considérer que le commerce est une chance pour la France. Ce n’est pas le libre-échange qui a tué notre industrie (demandez aux Allemands et aux Italiens pour voir), c’est la croyance que nous pouvions distribuer une richesse que nous ne produisions pas. C’est la croyance que notre modèle social peut tout entier reposer sur le dos des travailleurs. Ce sont nos impôts de production, dont nous sommes les champions et qui taxent les entreprises avant même qu’elles ne fassent le moindre bénéfice.

Je vous dis donc, Monsieur le Député, que nous différons radicalement, c’est vrai, sur le diagnostic et sur les solutions. Je crois que nous avons besoin de produire plus, pas de taxer plus, pour préserver le modèle social français, notre rang dans le monde, donc notre fierté nationale et in fine, j’ose le mot, notre bonheur français.

Et je vous dis aussi qu’on peut dire, très tranquillement, la vérité aux Français, ne pas cacher l’effort collectif qu’il faudra faire, et en même temps ne rien renier de nos valeurs de solidarité.

Produisons avant de répartir. Mais répartissons aussi. Votre constat sur l’explosion de la rémunération du capital par rapport à celle du travail est vrai. Et j’entends moi aussi le combattre : cet écart croissant n’est ni juste pour notre société, ni bon pour notre économie. Oui, il y a une immense question sociale dans ce pays. Et je vous le dis : les efforts que je proposerai seront justement répartis car il faudra que tous participent, selon leur capacité, à l’effort de redressement national. Mais votre façon d’instrumentaliser la question sociale pour opposer les Français les uns aux autres, d’opposer la caissière à l’actionnaire, d’opposer le riche au pauvre, contredit tout ce en quoi je crois. Vous avez le droit de croire encore à la lutte des classes. Je pense pour ma part que les ouvriers français, qui ne votent plus beaucoup à gauche d’ailleurs, n’y croient plus. Beaucoup d’entre eux n’ont plus confiance en ceux qui sont censés les représenter, leurs députés, leurs médias. Je ne crois pas pour autant qu’ils haïssent leurs entreprises et leurs patrons. Et je crois qu’un grand projet de justice sociale n’est pas un projet de division, mais un projet de rassemblement de tous les Français : un projet de participation de tous les travailleurs sans exception aux fruits du capital (c’est ça, la capitalisation !), de meilleure rémunération du travail, d’équité intergénérationnelle (sur laquelle votre silence est éloquent…) et de récompense du mérite et de l’effort. Au nom de votre vision de la justice sociale, nous avons eu plus d’impôts, plus de dépenses, plus d’allocations et plus de dettes. Je fais le pari pour ma part que plus personne en France ne pense aujourd’hui que la justice s’achète. Les Français en ont assez que la « justice sociale », ce soit finalement toujours « la justice pour les autres avec l’argent de ceux qui travaillent ». Le capital ne doit pas être l’ennemi des travailleurs. Nous en ferons un allié.

Vous appelez à très juste titre mon attention sur les jeunes couples qui démarrent dans la vie et veulent pouvoir bâtir leurs projets en ayant confiance dans l’avenir. Croyez-le ou non : c’est pour eux que j’élabore mon projet. Pas pour les entreprises, pas pour je ne sais quel électorat qui serait sociologiquement le mien, ce n’est pas mon habitude de diviser ainsi mon pays.

Je crois en votre sincérité parce que j’ai observé avec attention votre parcours d’élu de Picardie. Je vous ai vu, y compris contre les démagogues de votre parti, évoluer sur la sécurité et sur l’immigration. Je ne désespère pas de vous convaincre un jour sur l’économie et la justice sociale. En tant que maire du Havre, figurez vous que je vois aussi tous les jours ce que sont les inégalités et l’injustice sociale. Je mets en œuvre au quotidien des politiques pour les résorber en matière de culture, de lecture, d’éducation, de transport public. En tant que fils de professeurs et élève de l’école publique (nous sommes de moins en moins de responsables politiques à faire partie de cette catégorie), je sais qu’une école qui fonctionne est le plus éminent pilier d’une grande politique de justice et que cette refondation sera au premier rang de mes priorités pour la Nation. En tant qu’ancien Premier ministre, je sais que « taxer les riches » et fermer les frontières est un programme un peu court et toujours décevant pour gouverner la France.

Mais en tant que candidat à l’élection présidentielle, je veux comme vous terminer sur du positif.

La France prend conscience qu’elle est à un moment de son histoire où elle doit regarder la réalité en face pour faire les choix dont dépendent sa prospérité et sa puissance futures. Des gens de gauche l’ont compris, des gens du centre l’ont compris, des gens de droite l’ont compris. Le peuple français, j’en suis intimement convaincu, l’a compris dans ses profondeurs et sa diversité. Ma seule ambition est de porter le projet qui étanchera cette soif de grandeur et de redressement national. Cela me donnera peut-être le plaisir de combattre, idées contre idées, projet contre projet, un adversaire en qui je vois, par-delà les divergences fondamentales, un homme attaché à la réussite de son pays.

Bien à vous,

Édouard Philippe

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