Édouard Philippe et Giuliano da Empoli au Grand Colloque de L’Express
Le 14 octobre, Édouard Philippe participait au Grand Colloque de L’Express, aux côtés de l’écrivain Giuliano da Empoli, pour une conférence intitulée « L’Occident face aux chaos ». Outre la crise politique que traverse actuellement la France, ils ont évoqué certains des facteurs qui affaiblissent les démocraties occidentales : l’abaissement de la qualité du débat public, les dynamiques démographiques et la question migratoire.
Édouard Philippe est tout d’abord revenu sur les conséquences des dernières élections législatives et l’indétermination qui pèse sur nos institutions en l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale : « la vraie nouveauté réside dans l’absence de fait majoritaire en 2022 puis en 2024, c’est cela la grande rupture politique française ». Cette instabilité politique aggrave la polarisation et l’immédiateté dans lesquelles est pris le débat public : « la sincérité tient souvent lieu d’argumentation, le ressenti, de réflexion ». Édouard Philippe a pointé la responsabilité des « réseaux sociaux qui enferment dans des communautés qui s’isolent en se radicalisant [et qui] sont le contraire du débat public. »
Pour aborder la question complexe de l’immigration, Édouard Philippe a proposé trois préalables à la réflexion. D’abord, replacer le débat à l’aune de perspectives démographiques : « le rapport de population entre le nord et le sud de la Méditerranée, actuellement de 1 pour 2, pourrait atteindre 1 pour 5 dans les années à venir ». Ensuite, arrêter de focaliser le débat uniquement sur des instruments juridiques, souvent coercitifs, alors que ceux-ci fonctionnent mal. Enfin, sortir de l’idée que « la régulation du flux migratoire est le marqueur d’une droite qui ne serait pas républicaine ou qui serait extrême ». En effet, « il existe un mouvement européen, à droite comme à gauche, qui s’exprime dans des formes différentes, mais prend conscience que l’organisation et la régulation de l’immigration sont essentielles pour l’existence ou, au minimum, la cohésion des sociétés démocratiques ». Pour obtenir des résultats durables en matière de gestion des flux migratoires, il faut aussi réfléchir à l’avenir économique, démographique et écologique de l’Afrique et du Moyen-Orient.
Concernant la démographie européenne, Édouard Philippe estime que la tendance actuelle — la chute rapide des taux de natalité — est symptomatique d’une perte de vision collective : « Quand il n’y a pas de projet, de vision, de sens collectif ou de direction, il me paraît assez difficile de croire qu’il puisse y avoir un sursaut démographique. Les évolutions de la natalité sont aussi les conséquences de notre vision du monde, c’est la confiance qu’une nation exprime, qu’elle a en elle-même. »
Giuliano da Empoli et Édouard Philippe ont également abordé la question des équilibres géopolitiques du monde. Édouard Philippe a estimé que, dans le contexte actuel, l’Europe manque d’unité dans sa vision du monde et que peser sur les affaires mondiales restera illusoire tant que des intérêts communs ne seront pas mieux définis au niveau européen.
Enfin, Édouard Philippe affirme que « pour nous, Occidentaux, le plus difficile est de comprendre que, peut-être, une parenthèse se referme ». Après cinq siècles de domination militaire, économique, idéologique et politique, la suprématie occidentale dans le monde s’achève. Les interrogations sur le modèle démocratique deviennent de plus en plus pressantes, notamment avec l’émergence de modèles politiques plus autoritaires qui semblent parfois plus efficaces pour garantir stabilité et prospérité collective. Ce constat pose des questions profondes sur l’avenir du modèle démocratique occidental.
